Il s’agit du nom d’un des mouvements caractéristiques du taiji quan du style Chen, présent dans la première forme yī lù (一路) dite « forme longue » mais également dans la seconde forme èr lù (二路) dite « poings canons » (炮捶 – pào chuí).
En taiji quan (prononcé ‘taichi chuan’ à la française), les enchaînements sont structurés en sections regroupant des mouvements, chacun portant un nom. Ces noms sont bien évidemment en chinois, avec une terminologie se référant à l’application martiale (position du corps ou utilisation dans un combat) ou renvoyant à des récits populaires ou encore à la symbolique animale. Leur traduction en français est parfois incomplète ou décevante.
Le chinois est en effet une langue difficile à traduire en français, comme dans d’autres langues occidentales. L’importance du contexte dans les cultures asiatiques se retrouve dans leur façon de communiquer, avec un sens implicite davantage issu du contexte et des nuances culturelles que d’une énonciation explicite. Le défi de la traduction n’est donc pas seulement de convertir des mots d’une langue à une autre : il faut pouvoir capturer la substance du message initial, préserver l’intégrité du contenu original (tout en traversant les contextes culturel et temporel) mais également s’assurer que la traduction ait du sens auprès du public cible.
Dans la traduction « le poing protège le cœur », de nombreuses nuances peuvent pourtant être identifiées, même en français :
- Tout d’abord, une description pragmatique de la posture, faisant référence à la position de la main droite – formée en poing – qui se positionne devant le centre au niveau de la poitrine (le cœur) ;
- Ensuite, le cœur (心 xīn), selon les concepts énergétiques chinois, est la « résidence du shén (神) » (traduit lui-même en français, dans ce contexte, par « esprit »). Le cœur abrite cinq fonctions associées au shén : l’activité mentale, la mémoire, la conscience, les pensées et le sommeil. En général, le shén concerne la vitalité de la personne, il trouve son reflet dans les yeux, la parole, les réactions et dans l’apparence générale.
- 拳 quán se traduit en français « boxe », « poing ». Ce caractère est composé de la main 手 (shǒu) et du caractère 关 (guān) qui peut être un verbe signifiant « enfermer, clore » ou encore « impliquer » ou un nom pour « barrière, col – d’une montagne, point critique ». Le poing est une main qui se referme, mais aussi un facteur clé, une partie cruciale.
Dans le « poing protège le cœur », il y a en premier lieu l’affirmation que le taiji quan est d’abord une technique de combat à mains nues (oui, c’est aussi une pratique de bonne santé mais ce n’est pas l’un ou l’autre). On peut y lire aussi que la pratique d’une boxe comme le taiji quan, contribue à nourrir le cœur et ses fonctions, au sens de la médecine chinoise. Et plus largement, quelles que soient les cultures, le cœur a toujours nourri des mythes : considéré comme le centre de l’être ou comme le berceau des secrets (par exemple dans la religion égyptienne), puis comme le siège des sentiments et émotions.
J’aime à penser que la pratique du taiji conduit à protéger le cœur, qu’il s’agisse de ses fonctions vitales ou énergétiques, des secrets qu’il contient ou de l’équilibre qu’il est censé assurer d’un point de vue physiologique ou émotionnel.
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