,

单鞭 dān biān – Simple fouet

单鞭 Dān biān – simple fouet, est LE mouvement signature du taichi chuan. C’est une technique commune à tous les styles majeurs de Taichi Chuan, bien qu’il y ait des […]


单鞭 Dān biān – simple fouet, est LE mouvement signature du taichi chuan. C’est une technique commune à tous les styles majeurs de Taichi Chuan, bien qu’il y ait des variations importantes dans la manière de l’exécuter.

Dān biān représente aussi la technique la plus fréquemment répétée de la forme longue Laojia Yilu (dans la forme longue de l’école Chen Zhenglei, on la rencontre 7 fois), ce qui donne une indication sur sa relative importance.

Au-delà de son importance en tant que posture fondamentale, Dān biān permet de réguler la respiration entre les mouvements plus vigoureux. A la façon d’une station de ravitaillement, de transfert ou d’un point de transition pivot dans la progression de la forme, il facilite le flux, la composition, et le rythme de l’exécution de la forme. Peut-être avez-vous déjà ressenti cet effet « recentrant » à l’exécution du Dān biān au sein d’une forme complète ?

Principes pour l’exécution du mouvement

L’exécution du mouvement peut être présentée en deux phases : d’abord une intention sur la droite, puis une intention sur la gauche.

De l’une à l’autre de ces deux phases, se succèdent une fermeture et une ouverture. Le centre de gravité se déplace progressivement de la droite vers la gauche, puis s’exprime une fermeture dans la jambe droite (jusqu’à refermer le bout du pied droit) ; simultanément, le haut du corps se tourne vers la gauche, les deux poignets finissant au même niveau, paume à gauche, crochet à droite.

L’enracinement du corps en relâchant les kuà (胯) est à maintenir sur l’ensemble du mouvement.

Plusieurs applications sont possibles pour ce mouvement, par exemple, dans la première phase du mouvement une dessaisie, ou un contrôle articulaire du poignet gauche de l’adversaire avec une technique de qínná (擒拿) pour attraper son coude.

Dans la seconde phase, la main gauche fait office de fouet pour aller atteindre le visage ou le cou de l’adversaire ; on peut utiliser le bon positionnement des jambes pour ajuster la portée et améliorer l’efficacité du mouvement, la jambe gauche pouvant servir de levier pour déstabiliser l’adversaire (la main droite saisit le bras droit de l’adversaire, tandis que l’autre balaye son visage ou son cou).

Origine et signification du mouvement

Lorsqu’on parle du Simple Fouet dans les formes à mains nues du taichi, plusieurs interprétations se fondent sur la position finale (même si c’est finalement plus subtil, car le mouvement comporte plusieurs phases d’enroulé et de déroulé avec les bras, les jambes et le torse avant d’arriver à cette posture, à la façon d’une vague qui se propage sur toute la longueur).

L’une de ces interprétations repose sur le constat que la posture ressemble à un homme transportant quelque chose sur une perche ou un joug, et que le nom ferait alors référence à ce joug : 扁 擔 Biǎn dān.

Mais cette théorie paraît difficile à suivre, compte tenu du fait que ce sont des mots différents malgré leur (toute relative) homonymie. Et compte tenu du contexte et de l’ancienneté du mouvement, on est plutôt à même de penser qu’il s’agit d’une référence de l’époque de Qi Jiguang et de son contexte militaire et culturel.

Cáishén 財神, dieu de la richesse dans la religion populaire chinoise,(souvent invoqué dans les célébrations du nouvel an chinois) a été identifié à des personnages historiques dont Zhào gōngmíng 趙公明 qui aurait vécu à la fin des royaumes combattants. Ses devoirs divins consistent principalement à accorder la prospérité et les bénédictions au royaume des mortels. Il est souvent représenté le visage noir, en train de descendre du tigre dans une posture ressemblant à une position d’arc, la main avant pliée (comme dans l’avant-dernière transition du mouvement 单鞭 Dān biān).

Zhào gōngmíng était un personnage populaire à l’époque où Qi Ji Jiang rédigeait son manuel, notamment grâce au roman du XVIe siècle L’Investiture des dieux (titre chinois Fēngshén Yǎnyì 封神演義, l’une des principales œuvres du genre ‘dieux et démons’ shenmo, écrite sous la dynastie Ming (1368-1644). Dans ce roman, il combat avec Rándēng Dàorén, le « taoïste à la lampe brûlante ».

Lorsque le taijiquan est apparu dans le village de Chenjiagou après sa création par Chen Wangting (1600-1680) ces estampes étaient largement disponibles dans les imprimeries chinoises. La posture avec le biān tenu en hauteur, souvent accompagnée d’un pas en avant dans une position d’arc, était très courante et immédiatement reconnaissable pendant toutes les années de formation du taijiquan.

Il est donc plus logique de penser que le nom Dān biān évoque une posture de puissance, en référence à Zhào gōngmíng ou Rándēng Dàorén, tous deux fortement associés au taoïsme, à l’immortalité, aux trigrammes, au Taijitu, à la bonne fortune et à la chance. Lorsqu’ils cherchaient une image ou une métaphore pour décrire ce mouvement (et peut-être apporter la bonne fortune au pratiquant !), il semble possible que les concepteurs de la forme aient pensé à cette arme et/ou à ces divinités. En tous les cas, cela me paraît plus probable qu’une homonymie hasardeuse.

À mouvement emblématique, nom emblématique

En fouillant la légende de Zhào gōngmíng, on apprend qu’il a été envoyé par l’empereur de Jade pour protéger le personnage légendaire du taoïsme Zhang Daoling (張道陵) et le chaudron dans lequel celui-ci préparait l’élixir d’immortalité doré.

Compte tenu des liens étroits entre le Tàijí quán 太极拳 et la pensée taoïste, ainsi que de l’histoire de l’arme 鐵鞭 Tiě biān (fouet de fer) et de la posture elle-même, il semble très probable que le nom simple fouet 單鞭 dān biān fasse référence à cette arme et que la posture elle-même pourrait être interprétée comme évoquant le général Zhào gōngmíng.

En s’engageant dans la pratique, à la façon d’un protecteur du chaudron de fabrication de l’élixir d’immortalité, on cultive les propriétés alchimiques du tàijíquán… certes c’est un peu alambiqué 🙂


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *